Le patrimoine : la tour d'Arces

La tour d’Arces

Le Moyen Age a vu la construction de nombreuses fortifications en Grésivaudan, en raison d’un contexte historique tourmenté.
En effet sa situation frontalière en fait une vallée tiraillée entre différents pouvoirs.
Au XIe siècle, les comtes d’Albon vont créer le comté du Dauphiné. La puissance naissante des Guigues leur permet d’imposer des membres de leur famille comme évêque et d’aliéner les biens de l’église à leur profit. Les limites entre les fiefs du comte Amédée de Savoie et de Guigues étant instables, l’ost était souvent levé et la plupart des châteaux existaient dès la fin du XIe siècle. Les plus anciens châteaux connus, comme Avalon ou Theys, sont édifiés avant 1050.
Les autres seigneurs laïcs édifient une petite fortification en bois sur une “motte castrale”, pour affirmer leur pouvoir sur les terres environnantes.
L’acharnement d’Hugues évêque de Grenoble, à reconquérir les biens d’église, se traduit par la fondation de prieurés comme celui de Saint Martin de Miséré en 1083.
En 1282 les terres de Theys, La Pierre et Domène sont léguées au comte de Genève Amédée II. (Theys devait revenir définitivement à la Couronne de France en 1389, et les autres terres au cours du XVIe siècle.)
Le XIIIe siècle et la première moitié du XIVe est une période relativement prospère, la vallée est très peuplée et même surpeuplée, jusqu’à la terrible épidémie de peste de 1348.
C’est à cette période qu’on situe la construction de la Tour d’Arces. Louis d’Arces ( 1160 1242) serait le bâtisseur.

Visible de très loin au-dessus de Saint-Ismier, la Tour d’Arces est accessible par un chemin forestier.
Elle était autrefois entourée de vignes.
Comme la plupart des maisons fortes de la même époque, elle est quadrangulaire, sur trois niveaux. Les enceintes extérieures sont partiellement écroulées.

 

La tour d’Arces, un élément du paysage fortifié du Grésivaudan

L’habitat rural du Moyen Age, celui des paysans, a laissé peu de traces en Grésivaudan comme ailleurs. En raison de la modestie des constructions et donc leur fragilité, et surtout, en raison de la permanence de leur implantation. Du Moyen Age au XIXe siècle, les hommes ont construit et reconstruit au même endroit. (parmi les sources, citons les travaux d’Annick Clavier, archéologue, service du Patrimoine, Conseil départemental de l’Isère).
De nombreuses fortifications remontant au Moyen Âge se dressaient dans la vallée du Grésivaudan, en raison du contexte historique : des châteaux, des bourgs fortifiés et des maisons fortes.
Quelle est l’exacte différence entre château et maison forte ?
Du château, on connaît l’aspect.
C’est avant tout un centre de pouvoir, du territoire qui en dépend, le mandement ou la chatellenie. C’est le lieu où s’exerce la justice, que ce soit par le Dauphin ou d’autres nobles. Le château peut aussi être une résidence, comme par exemple le château de Beaumont. Mais pour la plupart, ils ne sont pas la demeure du seigneur.
Près d’une vingtaine de châteaux existent en Grésivaudan pendant la période médiévale. Leur origine est ancienne, du XIe ou XIIe siècle pour la plupart. D’après l’enquête de 1339, on relève pour la vallée de l’Isère: Bellecombe, La Buissière, Beaumont, le Touvet, Montfort, Bernin, Montbonnot, Bouquéron, sur la rive droite ; Avallon, Morêtel, Theys, La Pierre, Domène, Uriage.(avec Allevard et Revel) Sur la rive gauche.
Loin d’être de simples réduits fortifiés, où ne résiderait qu’une garnison militaire, les châteaux s’entourent d’habitats, regroupant la population dans leur enceinte fortifiée.
La plupart d’entre eux ont disparu, n’ayant pas une grande efficacité militaire face à l’évolution des techniques de guerre et du contexte historique local: L’ancien château des comtes de Genève à Theys est ruiné dès 1419 et celui de La Pierre en cours d’abandon en 1435.

Château de Montfort

Un témoignage des châteaux du Grésivaudan, les ruines du château de Montfort, au-dessus de Crolles. Cliché « Les raisonneurs de pierre »

Theys

à Theys, l’ensemble du site, les bâtiments et le décor qu’ils abritent sont d’un intérêt exceptionnel. C’est le seul exemple conservé dans un édifice castrai pour le département de l’Isère.

Le château du Touvet

Le château du Touvet, à 300 m d’altitude, classé en 1964 au titre des monuments historiques, était un lieu stratégique aux frontières de la Savoie. La maison forte du 12ème siècle, avec donjon carré et enceinte, est acquise par Guigues Guiffrey en 1528. Rénové aux 17ème et 18ème siècles par les marquis de Marcieu, il est toujours occupé par les descendants des Guiffrey depuis 1528. Le château, les jardins et les escaliers d’eau sont ouverts à la visite.

La maison forte, au cœur d’un domaine rural

C’est l’habitat de la petite noblesse qui a laissé le plus grand nombre de traces bien visibles dans la vallée du Grésivaudan ; plus que les châteaux, largement ruinés, les maisons fortes sont une constante de cette région.
A partir de 1250, les nobles édifient sur leurs terres, des habitations plus ou moins fortifiées, les « maisons fortes ». 20 % de ces maisons fortes se trouvent à l’intérieur des villages, comme par exemple la Tour Brune d’Avalon (clic sur illustration ci-dessous). Les autres sont implantées en milieu rural.
Contrairement au château, la maison forte est d’abord et avant tout la résidence rurale d’un noble et de sa famille. Elle est au cœur d’un domaine agricole de taille très variable, avec ses terres, ses fermes et ses granges, qu’exploitent les paysans qui versent en échange les revenus des cens, en argent et en nature.
Les maisons fortes sont installées bien sûr en dehors des zones inondables, mais dans des sites plutôt moins bien défendus que les châteaux (exemple de La Bayette au Touvet, ci-dessous). A Saint-Ismier, la maison forte de La Bâtie Champrond (illustration ci-dessous) est même à proximité de la plaine, tout comme le Mas de l’Eglise à La Terrasse ou Hauterives à Chapareillan (illustrations ci-dessous).
Quant à la Tour d’Arces, sa situation est dominante au-dessus de la commune. Les recherches historiques n’ont pas révélé pour cet emplacement un choix strictement défensif, mais plutôt la volonté d’être “vue de loin”; ainsi les petits nobles ruraux marquent-ils leur suprématie sur “le peuple” en bâtissant des tours à l’écart des villages. C’est le même cas entre autres pour les tours de L’Evêché à La Terrasse, de La Frette au Touvet ou de Mailles à Morêtel (illustration ci-dessous). L’enquête de 1339 dénombre pour la vallée du Grésivaudan 70 maisons fortes.
Certaines ont entièrement disparu comme La Tour de Tencin ou celle de Champ-près-Froges.
Les maisons fortes de cette époque (XIIIe-XIVe siècles), présentent généralement une tour quadrangulaire, sur 3 étages au dessus du rez de chaussée. Rarement isolées, elles font partie d’un ensemble avec cour fermée, et divers bâtiments. Même lorsque cette tour est seule conservée, comme Monfollet à Laval, ou la Tour d’Etapes au Versoud (illustrations ci-dessous), il convient de restituer un ensemble de bâtiments, logis et dépendances diverses . Un exemple bien conservé de ce dispositif est sans conteste Montpansard, au-dessus de Goncelin (illustration ci-dessous).
Dans la tour des maisons fortes, le rez de chaussée a vocation de réserve, avec très peu d’ouvertures. L’étage noble montre des éléments de conforts (fenêtres à coussièges, placards muraux, cheminées) ; au 2ème étage des fenêtres, placards, chambres. Enfin des combles. (exemples à la Tour du Treuil à Allevard,ci-dessous)
La particularité de la Tour d’Arces est son implantation sur un terrain à forte pente, nécessitant des paliers et des escaliers pour relier les différents niveaux (ci-dessous).
Avec la fin du Moyen Âge, les anciennes maisons fortes abandonnent leur aspect défensif pour s’ouvrir sur l’extérieur par des baies de plusieurs formes: les plus nombreuses sont à meneaux et traverses, comme à la tour du Cheylas ou à La Pierre (illustrations ci-dessous). D’autres sont géminées (Tour d’Arces), ou trilobées.

La Tour Brune d’Avalon

La Bayette au Touvet

La Bâtie Champrond à Saint-Ismier

Le Mas de l’Eglise à La Terrasse

Hauterives à Chapareillan

Tour de L’Evêché à La Terrasse

La Frette au Touvet

Tour de Monfollet à Laval

Tour d’Etapes au Versoud

La tour noire, à Goncelin

Montpansard, à Goncelin

la Tour du Treuil à Allevard

Une étroite fenêtre à coussièges

La Tour d’Arces

Un des escaliers

La Tour du Cheylas

Le château vieux de La Pierre

Fenêtre géminée de la Tour d’Arces

Fenêtre à linteau trilobé dans une maison forte de Saint-Ismier